Conference Theme and Objectives / Texte de cadrage

 

Hieros, Hierophania, Hieroglossia:

Visions, Voices, Signs, Signification

(appel en français ci-dessous)

 

Conference theme and objectives

 

Ancient Egypt, Vedic India, China of the Shang dynasty, the Hellenes at the time of Homer, the Celts, the Aztecs and cultures the world over all believed that the language they spoke was masterminded and forged for them by some higher-than-mortal agency. Just how starkly this contrasts with “language science” in our religiously post‑religious modern age needs no explanation. For us it is simply absurd to maintain that language is anything but a tool devised by homo symbolicus to be able to interact purposively and productively with others of his kind. And yet this view is problematic.

First because the “roots” of all the languages we use to discredit ancient lores about “glottogony” are themselves the products of precisely the kind of mythologies we wish to exorcise from any discussion about language. Second, the assumption that there is something “backward” or “superstitious” about these “exotic” examples of speculation pertaining to the origin of language is now, quite understandably, considered to be the scholarly corollary of a “colonialist” attitude towards “la mentalité primitive”. Third, many authoritative voices in cutting edge, game-changing thought in literary theory and semiotics regularly appeal to “supra‑rational” agencies and actants to supply their theorisation with what cannot be supplied by being “rational” about where language comes from, the nature of its signifying powers, and quite simply what it is. Finally, by thoughtlessly assuming that such myths are merely figments of an “unenlightened” mentality, we overlook the possibility that these “irrational” theories may rest upon rationales that a patient analysis of why they were adhered to would demonstrate to be credible in terms of the very criteria used to postulate their worthlessness.

Perplexed by all this, the organisers of the 2023 colloquium are looking for contributions from colleagues who can elucidate for their peers why so many communities believed that it made perfect sense to maintain that their speech was a “gift of the Gods to mortals”. Why was such a conceit taken seriously? What “divinatory techniques” were involved in apprehending what counted as the Sacred? What hermeneutic and semiotic ingenuity was utilised to interpret what it betokened and in forging these interpretations into signs, significance and language? What rationale is at work in the assumption one encounters so often that, in some sense or another, the Divine itself is a living, breathing, pulsatingly resonant property of language and that its constituent words encode, mediate and reveal something “sublime” about their denotata?

The point of raising these questions is not to celebrate or rehabilitate ‘traditional’ belief systems. Nor is it to be a recrimination of views on the nature, vocation and finality of words and language which repudiate the idea that anything mystical or supernatural should be involved in the analysis. What we really want is to enrich and vary the habitual acceptations and applications of linguistics, semiotics and the philosophy of language by exploring what could be significant or worthwhile about theories maintaining that language is an emanationist bye‑product of other-than-mortal agencies, for instance of Gaia or of one of her counterparts.

Obviously, the views of Indologists, Orientalists, Arabists and Indigenous Studies specialists on these points would be greatly appreciated. Idem for colleagues hailing from Ethnolinguistics, Ecosemiotics, Literary Theory, Comparative Poetics, Philology and sundry kindred fields. But that isn’t all. We also want to learn more about the way obsolete doxas about the divine origins of speech can be repurposed and undergo a rebirth in forms and in places one would least expect to find them. This would be particularly the case as concerns the theories of ostensibly ‘atheist’ avant-garde thinkers like Blanchot, Foucault, Derrida and Lacan as well as of pioneering artists like Hölderlin, Mallarmé, Baudelaire, Artaud, Ponge, Joyce, Eliot, etc.

 

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Hiéros, Hiérophanie, Hiéroglossie :

Visions, Voix, Signes, Signification

 

Texte de cadrage

 

L’Égypte ancienne, l’Inde védique, la Chine de la dynastie Shang, les Hellènes à l’époque d’Homère, les Celtes, les Aztèques et d’autres cultures partout dans le monde croyaient tous que leur langue avait été conçue et forgée pour eux par des actants autres-que-mortel. Inutile de signaler à quel point le contraste est frappant avec la « science du langage » de notre époque moderne religieusement post‑religieuse. Pour nous, il est absurde, voire suspect de prendre au sérieux l’idée que le langage serait autre chose qu’un outil conçu par homo symbolicus afin de pouvoir interagir de manière pragmatique et productive avec d’autres membres de son espèce. Et pourtant cet avis est problématique.

D’abord parce que les « racines » de toutes les langues que l’on utilise pour discréditer les anciens mythes sur la « glottogonie » sont elles-mêmes le produit du genre de mythologies que l’on souhaite exorciser de toute discussion sur le langage. Deuxièmement, le postulat selon lequel il y aurait quelque chose d’« arriéré » ou de « superstitieux » dans ces exemples « exotiques » de spéculation sur l’origine du langage est aujourd’hui, et à juste titre, considéré comme le corollaire « savant » des attitudes « colonialistes » envers la « mentalité primitive ». Troisièmement, de nombreuses voix faisant autorité dans les domaines de la sémiotique et de la théorie littéraire font régulièrement appel à des agents et actants « supra‑rationnels » pour fournir à leur théorisation ce qui ne peut l’être en se fiant à une analyse « raisonnée » de l’origine de la langue, de son pouvoir signifiant et de ce qu’il est.

Perplexes face à tout cela, les organisateurs du colloque 2023 recherchent des contributions de collègues capables d’élucider pour leurs pairs pourquoi certaines communautés ont cru qu’il était parfaitement logique de soutenir que leur langage était un « don des dieux aux mortels ». Quel sens peut-il y avoir de prendre au sérieux une telle idée ? Quelles techniques divinatoires furent impliquées dans l’appréhension de ce qui était considéré comme « le Sacré » ? Sous quelles formes sa rencontre se révéla-t-elle ? Quelle ingéniosité herméneutique fut utilisée pour interpréter ce que laissait entendre ce Sacré ? Quelle ingénierie sémiotique fut déployée pour forger ces interprétations en signes, en significations et en langage ? Quel fut le raisonnement à l’œuvre dans la présomption selon laquelle le divin lui-même serait une propriété vivante, respirante et résonante du langage et que ses mots constituants encodent, médiatisent et révèlent quelque chose de « sublime » ou « transcendant » à propos de leurs denotata ?

Si nous soulevons ces questions, ce n’est ni pour faire l’éloge des systèmes de croyances « traditionnelles », ni en faire l’apologie. Pas plus qu’il ne l’est d’être une récrimination des points de vue sur la nature, la vocation et la finalité des mots et du langage qui répudient l’idée que « le mystique » ou « le surnaturel » ont droit de cité dans l’analyse. Non, ce qui nous intéresse réellement, c’est d’enrichir et de varier les acceptations et les applications habituelles de la linguistique, la sémiotique et la philosophie du langage en explorant ce qui pourrait être significatif et méritoire dans les théories soutenant que le langage est une « émanation » de puissances autres-que-mortelles – comme, par exemple, de Gaia ou l’un de ses équivalents.  

Bien entendu, l’avis des indologues, orientalistes, arabisants, spécialistes des études indigènes sur ce que l’on peut dire de tout cela serait très apprécié. Idem pour les collègues issus de l’ethnolinguistique, la théorie littéraire, l’écosémiotique, la poétique comparée, la philologie et des domaines voisins. Mais ce n’est pas tout. Nous voulons en savoir plus sur la façon dont des doxas obsolètes sur les origines divines de la parole peuvent être repensées à nouveaux frais et renaître sous des formes et dans des endroits où l’on s’attendrait le moins à les trouver. Ce serait notamment le cas pour ce qui est des théories de penseurs avant-gardistes ostensiblement « athées » tels que Blanchot, Foucault, Derrida, Lacan et d’artistes novateurs comme Hölderlin, Mallarmé, Baudelaire, Artaud, Joyce, Eliot, etc.